Le sommet européen de 2001 à Nice

par Yann-Vadezour Rouz

Préparation

Depuis quelques jours avant l’arrivée des chefs d’état européens, la ville s’est étonnamment fleurie. Des écussons dorés ont été incrustés à même le sol des rues, celles du vieux Nice particulièrement. Certains disent qu’on peut ainsi suivre les chemins qu’iront emprunter les chefs d’état. Des fleurs ont été importées, d’Israël à ce que j’ai entendu dire. La préparation de ce sommet européen me laisse perplexe, comme ont pu l’être les floriculteurs du Pays niçois et de Provence. Parallèlement, les musées se sont vidés de leurs œuvres d’art pour garnir des chambres d’hôtel, et les trottoirs qu’allaient emprunter les chefs d’état ont été bloqués. Ces préliminaires donnent le sentiment que les citoyens ne sont qu’une lointaine préoccupation de l’Europe.

Libre circulation des personnes

C’est l’effervescence, des manifestants sont venus de partout. Certains, venant d’Italie, ont été bloqués à la frontière, et n’ont pas pu arriver. Cela fait pourtant un moment déjà qu’a été annoncée la libre circulation des personnes. Il est curieux de voir le non-respect de ce principe précisément lorsqu’il s’agit de construction européenne.

Garibaldi

Une cape rouge a été placée sur la statue de Garibaldi, qui semble avoir repris un peu de vie en même temps que de couleur. Il n’a pas fallu longtemps aux autorités pour la retirer. Giuseppe Garibaldi a fait l’unité de l’Italie et s’est battu pour la république en divers endroits dans le monde. L’honneur qui lui était fait était-il tellement dérangeant dans un contexte européen?

Gaz lacrymogènes

J’ai entendu à la radio que le président de la république et le premier ministre français, à l’intérieur de l’Acropolis, avaient été incommodés par des gaz lacrymogènes. Ces derniers seraient passés par des circuits d’aération. J’ai trouvé les manifestants particulièrement ingénieux et renseignés à la fois. En discutant plus tard avec un manifestant, j’ai appris que les CRS, se sentant peu nombreux à défendre l’Acropolis à l’approche des manifestants, avaient utilisés préventivement leurs bombes lacrymogènes, qui se sont malencontreusement introduites dans l’Acropolis. Les CRS à l’œuvre sont parfois remarquablement plus efficaces que des milliers de manifestants réunis.

Rue Barla

J’ai vu aux informations télévisuelles des images d’une rue voisine qui ressemblaient assez à des images de guerre. La rue Barla était enfumée, des vitrines détruites, quelques personnes couraient deçà-delà. Une consigne avait été donnée aux commerces de rester fermés durant les manifestations, aucune indemnité n’allant être reversée en cas d’ennui avec les manifestants. Curieusement, la boulangerie de la rue Barla continuait à servir ses croissants au plus fort de l’agitation. Et, de fait, les agences immobilières et les banques ont été les victimes de la casse.

CRS

Un manifestant a apporté un veau. Ils semblent avoir élu domicile depuis quelques jours sur la place Garibaldi. L’homme boite. Il m’explique ce qui lui est arrivé. Des CRS avaient voulu lui bloquer le passage, mais le veau, n’ayant pas bien compris le respect qu’il devait à leur autorité, avait cependant bien perçu l’agression dont il faisait l’objet, et s’était mis à charger. Le propriétaire, voulant le retenir, a dû s’interposer, et a ainsi été envoyé sans tarder aux urgences. Les CRS pour s’excuser lui ont offert quelques repas et du vin; « une excuse à la CRS », me commente le narrateur. En effet, la bouteille est une cuvée spéciale CRS, étiquetée « Le Sang du Peuple ». N’ayant pas eu le privilège d’y gouter, j’ignore toujours qui, du vin ou du CRS, est le mieux conditionné...

Le Sang du Peuple, C.R.S. 60, cuvée spéciale