Contre-article sur le contre-auxiliaire

Le principe du contre-auxiliaire a été imaginé en suivant ce type raisonnement : « Le français comporte deux auxiliaires permettant de conjuguer les verbes, sans que rien ne permette a priori de déterminer lequel s'appliquera pour chacun d'entre eux. On pourrait donc introduire l'emploi de l'un à la place de l'autre. » Pour appuyer cette idée, l'article précise que certains verbes peuvent aussi bien se conjuguer avec un auxiliaire ou l'autre. Malheureusement, les exemples donnés montrent, au contraire, qu'ils ne sauraient être systématiquement interchangeables.

Sommaire

  1. Notes préliminaires
  2. I. Validité des exemples
  3. II. Utilisation des auxiliaires
  4. III. Discussion de la première règle
  5. IV. Discussion de la deuxième règle
  6. V. Discussion de la troisième règle
  7. VI. Approximations
  8. VII. Conclusion
  9. Webographie
  10. Bibliographie

Note préliminaire

Les listes de verbes du paragraphe « utilisation des auxiliaires » ont été constituées d'après les informations trouvées dans l'ouvrage Bescherelle (Hatier, Paris, 1990), ces informations diffèrent légèrement selon les sources.

I. Validité des exemples

Je suis épaulé, j'ai épaulé
Tu es inquiété, tu as inquiété
Il a mangé, il est mangé
Nous avons marié, nous sommes mariés
Vous avez perdu, vous êtes perdus
[...]
J'aurai vaincu, je serai vaincu

Dans chacun de ces cas, le sens diffère selon l'auxiliaire employé ; le changement de celui-ci provoque même manifestement un contresens, ainsi que cela apparait très clairement pour le dernier exemple. En effet, tous les verbes employés ici se conjuguent avec le verbe avoir ; l'emploi de l'auxiliaire « être » implique chaque fois une voix passive. Et il y a également une différence de temps. Le passif, en effet, ne se forme pas à en substituant simplement l'auxilaire avoir par l'auxilaire être au même temps que celui-ci, mais en remplaçant le verbe conjugué par son participe passé précédé de l'auxiliaire « être » au même temps que le verbe à l'actif.

II. Utilisation des auxiliaires

Il existe pourtant des verbes pouvant au choix se conjuguer avec « avoir » ou « être » : accoucher, accourir, alunir, amerrir, apparaitre, atterrir, augmenter, camper, changer, chavirer, convenir, crever, déborder, décamper, déchoir, décroitre, dégeler, dégénérer, déménager, demeurer, dénicher, descendre, diminuer, disconvenir, disparaitre, divorcer, échapper, échouer, éclater, éclore, embellir, empirer, expirer, faillir, grandir, grossir, maigrir, monter, paraitre, passer, pourrir, rajeunir, réapparaitre, redescendre, ressuciter, résulter, sonner, stationner, tourner, trébucher, trépasser, vieillir.

D'autres se conjuguent avec être uniquement : advenir, aller, arriver, croitre, crouler, croupir, débouder, décéder, devenir, échoir, enlaidir, entrer, intervenir, mourir, naitre, obvenir, partir, parvenir, provenir, redevenir, rentrer, reparaitre, repartir, ressortir, rester, retomber, retourner, revenir, sortir, survenir, tomber, venir.

Il apparait que l'emploi de « être » comme auxiliaire de conjugaison est plutôt exceptionnel. Les verbes se conjuguant avec avoir, jugés trop nombreux, n'ont pas ici été listés, mais il sera aisé au lecteur qui le souhaite de vérifier leur abondance. Quantitativement, il y a donc un profond déséquilibre entre les verbes se conjuguant avec « avoir » et « être ».

On emploie en fait l'auxilaire être pour indiquer la passivité du sujet par rapport à l'action. On le retrouve donc dans la conjugaison des verbes pour lesquels le sujet subit l'action, de même que pour la voix passive des verbes pour lesquels le sujet produit l'action. Pour résumer, on distingue ainsi deux types de verbes : les verbes d'action, se conjuguant avec « avoir », et les verbes d'état, se conjuguant avec « être ».

III. Discussion de la première règle

Comme le montrent les remarques précédentes, le choix de l'auxiliaire a son importance. La première règle, si elle n'est pas compromise, serait donc au moins à ajuster : on pourrait utiliser les auxiliaires, « avoir » et « être », l'un à la place de l'autre dans les cas où cela ne nuit pas au sens.

Une étude exhaustive des cas problématiques risquerait à première vue de s'avérer longue et difficile. Les restrictions semblent tellement sujettes à discussion qu'il semble difficile de déterminer, finalement, s'il serait plus simple d'étudier les cas où le changement d'auxiliaire pourrait s'effectuer, ou bien les cas contraires.

Signalons néanmoins deux cas où le changement d'auxiliaire nécessite de prendre des précautions :

Et un cas qui ne risque pas de préter à confusion :

IV. Discussion de la deuxième règle

Pour que cette règle ait un sens, il faut qu'il existe préalablement des verbes se conjuguant avec « être ». Vérifions-le. La phrase « La chenille devient un papillon. » devient, au passé composé, « La chenille est devenue un papillon. ». La deuxième phrase est donc bien au passé, et non au passif. D'autre part, dans la deuxième phrase, le complément d'objet direct prouve bien qu'on retrouve le verbe « devenir », et non le verbe « être » suivi d'un attribut du sujet formé du participe passé adjectivé. De même, pour les autres verbes d'état, on peut aisément l'emploi d'un adverbe permet de faire le même constat.

Ce point étant éclairci, cette règle parait parfaitement cohérente, bien que la notion de verbes de changement d'état mériterait toutefois d'être définie. En effet, le verbe « rester », pris en exemple, ne semble pas indiquer de changement d'état. Intuitivement, par contre, le verbe « enlaidir », correspondrait mieux à cette catégorie de verbes.

Cependant, il n'est pas nécessaire de faire appel à cette notion pour constater que la distinction entre verbes d'action et verbes d'état est quelque peu arbitraire. Certains verbes, se conjuguant au choix avec « avoir » ou « être », font d'ailleurs partie des deux catégories à la fois. D'autre part, le verbe intervenir et les verbes de mouvement (aller, arriver, entrer, partir, parvenir, rentrer, repartir, ressortir, retourner, revenir, sortir, venir) indiquent bien une action. Formellement, rien ne s'oppose donc à ce qu'ils rentrent dans la catégorie des verbes d'action.

On pourrait donc tenter de généraliser jusqu'au bout : tous les verbes se conjugueraient à l'aide de l'auxiliaire « avoir ». Cet usage permettrait d'éliminer certaines disparités : enlaidir se conjuguant exclusivement avec « être » alors que embellir se conjugue avec « avoir » ou « être », venir se conjuguant exclusivement avec « être » alors que certains composés (circonvenir, prévenir, subvenir) se conjuguent avec « avoir ».

La phrase « L'enfant a tombé. », alors, comporterait bien un passé composé. La phrase « L'enfant est tombé. », quant à elle, poserait problème. Car elle comporterait soit le verbe être, auquel cas il serait suivi d'un adjectif, et cela supposerait d'adjectiver le participe passé du verbe « tomber », soit l'auxiliaire « être », auquel cas le verbe « tomber » serait au présent et à la voix passive, et cela supposerait rendre ce verbe transitif direct.

Remarquons, enfin, que pour le verbe « mourir », le participe passé, « mort », se prête difficilement à une conjugaison avec « avoir », si bien qu'on pourrait se demander si il ne serait pas judicieux d'introduire un nouveau participe passé pour ce verbe : « il a mouru » (?).

V. Discussion de la troisième règle

Cette règle a sa part de logique. Elle prolonge l'idée développée précédemment. Pour illustrer le propos, voici un extrait de dialogue :

— Je m'ai fait mal !
— Non : je me suis fait mal. Je me suis fait mal, tu t'es fait mal...
— Non : je m'ai fait mal ! Je m'ai fait mal, je t'ai fait mal...

Dans cet exemple, le verbe semble cesser d'être pronominal. En effet, le pronom a alors devenu un simple complément d'objet indirect. Pour illustrer le propos, voici un tableau de conjugaison (simplifié) :

Voix activeVoix passive
Présent
Passé composé
Nous nous coiffons.
Nous nous avons coiffés.
Nous sommes coiffés (par nous).
Nous avons été coiffés (par nous).

Ainsi, l'accord du participe passé devient donc davantage intuitif, puisqu'il respecte la règle générale : « Nous nous sommes lavé les mains. » et « Nous nous sommes lavés. » donneront respectivement : « Nous nous avons lavé les mains. » et « Nous nous avons lavés. ». Dans le premier cas, le complément d'objet direct est placé après l'auxiliaire « avoir » (le pronom est ici complément d'objet indirect), dans le second, il est placé avant.

Les verbes pronominaux cités précédemment ont la spécificité suivante : ils ont une voix double (active et passive). La forme traditionnelle de cette catégorie de verbes pourrait donc apporter une nuance supplémentaire. Nous pourrions alors obtenir ce tableau :

Voix activeVoix passiveVoix double
Présent
Passé composé
Nous nous coiffons.
Nous nous avons coiffés.
Nous sommes coiffés (par nous).
Nous avons été coiffés (par nous).
Nous nous coiffons.
Nous nous sommes coiffés.

On pourrait aussi discuter le temps de la fome « Nous nous sommes coiffés. », qui pourrait être assimilée à un présent, auquel cas le passé composé deviendrait « Nous nous avons été coiffé. Le tableau a été présenté ici de manière à rester plus proche de l'usage. Ainsi, « Nous nous coiffons. » sert donc ici à la fois pour une voix active et pour une voix double.

Signalons enfin que la troisième personne du pluriel comporte une ambigüité qui s'ajoute à la confusion possible entre une voix passive et une voix active avec un attribut du sujet : « Ils s'ont brisés. » risque d'être compris « Ils sont brisés. ». Dans le premier cas, il s'agit d'une phrase au passé composé à la voix active. Dans le second, soit une phrase au présent avec le verbe « briser » à la voix passive, soit une phrase au présent avec le verbe « être » à la voix active. L'ajout d'un « s » consonantique pourrait ici permettre d'éviter la confusion entre voix active et voix passive tout en faisant une transition entre l'ancienne forme et la nouvelle : « ils se-s-ont coiffé ». Toutefois, les phrases empruntant les deux formes n'étant pas radicalement opposées, la nuance ne pose pas réellement problème.

VI. Approximations

Quelques points méritant correction pourraient encore être signalés :

VII. Conclusion

Je m'ai laissé me convaincre qu'une conclusion ne serait pas indispensable pour ce sujet.

Webographie

Bibliographie