Contre-article sur le subjonctif futur

Nous disposons pour le moment d'un subjonctif imparfait et d'un subjonctif présent. Formellement, rien ne s'oppose à l'existence d'un subjonctif futur. Mais la construction que propose l'article n'est peut-être pas la plus naturelle.

Sommaire

  1. I. Emploi du subjonctif futur
  2. II. Validité des exemples
  3. III. Création d'un subjonctif futur
  4. IV. Comparaison des modes indicatif, subjonctif et conditionnel
  5. V. Conjugaison du subjonctif futur
  6. VI. Approximations
  7. VII. Éléments de comparaison avec des langues voisines
  8. VIII. Conclusion
  9. Webographie

I. Emploi du subjonctif futur

Pour commencer, il convient de déterminer l'intérêt que présente un subjonctif futur. Pour cela, examinons en premier lieu comment la langue, en l'absence de celui-ci, permet d'exprimer l'idée qu'il renferme.

Le subjonctif sert à exprimer ce qui n'a pas eu, n'a pas ou n'aura pas lieu. Prenons un exemple : « L'homme de la rue voudrait que le gouvernement modifie la législation. » Dans cette phrase, nous comprenons que le gouvernement ne modifie pas la législation, et que, selon l'homme de la rue, il devrait y remédier, et la changer dans le futur. Ainsi, les souhaits futurs, de par l'inexistence du subjonctif futur, sont usuellement exprimés par le subjonctif présent.

Cependant, pour préciser que le souhait se situe dans le présent, on a généralement recours à un artifice de langage : « L'homme de la rue voudrait que le gouvernement soit en train de modifier la législation. » Cette phrase indique, en effet, que l'homme de la rue voudrait que le gouvernement modifie la législation au moment où il parle, probablement parce qu'après il sera trop tard pour cela. Toutefois, le subjonctif présent s'emploie également pour un souhait dans le présent, en particulier lorsque le contexte ne prête pas à confusion : « Vous chantez, mais je préfèrerais que vous dansiez. »

Le subjonctif futur permettrait donc de mettre le subjonctif présent en cohérence avec son sens grammatical, d'éviter à coup sûr une ambigüité possible, et, au besoin, lorsque ce dernier indique un présent, de s'épargner une formulation peu élégante.

II. Validité des exemples

Observons maintenant les premiers exemples présentés :

  1. [...] Il serait bon [qu'ils les] remettrassent au gout du jour.
  2. Il serait bon que nous la conserverassions.
  3. Il faudrait que vous fairassiez une cure [...].

Si l'on se fie aux règles énoncées, seul le deuxième de ces subjonctifs est correct. Le premier devrait donner « remettrissent », et le troisième « fairissiez ». Nous aurions donc :

  1. Il serait bon qu'ils les remettrissent au gout du jour.
  2. Il serait bon que nous la conserverassions.
  3. Il faudrait que vous fairissiez une cure.

Ces exemples tendent à montrer que ces formes sont peu intuitives. Elle nécessitent donc de s'exercer pour les employer à bon escient. Mais ce qui est avant tout intéressant d'observer, c'est la règle générale de formation du subjonctif futur.

III. Création d'un subjonctif futur

Celui-ci est formé à partir du radical de l'infinitif ; ce qui est logique, car ce radical indique bien l'idée de futur (voir la méthode de création d'une forme simple de participe futur dans le contre-article sur le participe futur). Ensuite, il se conjugue avec les désinences de l'imparfait du subjonctif. Mais on aurait aussi bien pu penser au présent, puisque celui-ci est déjà utilisé pour le futur. Et les formes obtenues, à défaut d'être parfaitements naturelles, en seraient plus simples :

  1. Il serait bon qu'ils les remettre au gout du jour.
  2. Il serait bon que nous la conserverions.
  3. Il faudrait que vous fairassiez une cure.

Et nous pouvons constater, pour le troisième exemple, qu'on retrouve sur la forme rencontrée initialement. Ce qui tend à confirmer le bien fondé de ce choix. Malheureusement, cette méthode donne parfois des formes difficilement exploitables : « qu'il conjuguere ».

Mais, pour déterminer une construction possible des temps futurs, il pourrait être judicieux d'observer la construction du futur de l'indicatif. Le radical, ainsi qu'il a été dit, est celui de l'infinitif ; la désinence, quant à elle, est celle du verbe « avoir » au présent de l'indicatif. Si bien que l'on pourrait assimiler « je conjuguerai » à « j'ai à conjuguer ».

De la même manière, en s'inspirant de « avoir » que l'on retrouve dans « que j'aie à conjuguer », on pourrait obtenir « que je conjugueraie » pour le subjonctif futur. Or, comme le radical de l'infinitif risque de poser problème pour certains verbes (avoir, être, faire), ces verbes pourraient subir les mêmes altérations que pour le futur de l'indicatif. Et, à des fins de prononciations, les désinences 2e et 3e seraient alors réduites à -iez et -ions. Nous aurions donc :

que je conjugueraie
que tu conjugueraies
qu'il conjuguerait
que nous conjuguerions
que vous conjugueriez
qu'ils conjugueraient

Or cette conjugaison est quasi similaire avec le conditionnel présent. On pourrait donc penser qu'il serait judicieux de chercher une autre solution.

Par exemple, on pourrait s'inspirer du verbe « aller » pour les désinences. Car on retrouve, en effet, la même ressemblance entre les désinences du futur de l'indicatif et le présent de l'indicatif du verbe « aller », au « s » de la première personne du singulier près, que celle constatée précédemment avec le verbe « avoir ». Ainsi, l'on pourrait assimiler « je conjuguerai » à « je vais conjuguer », comme indiqué précédemment pour « j'ai à conjuguer ». Et, par transposition, nous aurions « que je conjugueraille » que l'on pourrait assimiler à « que j'aille conjuguer ». Il conviendrait alors d'altérer légèrement les désinences ainsi obtenues pour les 2e et 3e personnes du pluriel en les régularisant, à des fins de prononciation. Les désinences seraient alors : aille, ailles, aille, aillons, aillez, aillent. En fin de compte, les exemples initiaux deviendraient :

  1. Il serait bon qu'ils les remettraillent au gout du jour.
  2. Il serait bon que nous la conserveraillons.
  3. Il faudrait que vous feraillez une cure.

Ces formes pourraient être satisfaisantes. Cependant, le passé correspondant semble réclamer une conjugaison qui lui soit plus conforme. Pour cela, il reste la solution de s'inspirer des langues romanes pour lesquelles ce temps existe. Il semblerait alors qu'on puisse envisager de le former à partir du subjonctif imparfait. Il suffirait d'ôter la terminaison -sse de la première personne du singulier, et de la remplacer par -r suivi des désinences du subjonctif.

IV. Comparaison des modes indicatif, subjonctif et conditionnel

Cependant, on pourrait également tenter de poursuivre avec une idée précédente. Car la ressemblance entre le subjonctif futur proposé précédemment et le conditionnel présent est intéressante. Elle amène quelques remarques.

Pour commencer, cette similitude en rappelle une autre : les modes conditionnel et subjonctif comportent déjà des temps similaires entre eux. Le subjonctif plus-que-parfait et le conditionnel passé deuxième forme, « j'eusse conjugué », sont, en effet, rigoureusement identiques l'un à l'autre. Le fait de retrouver une autre conjugaison en commun parmi ces deux modes ne constituerait donc pas un problème majeur, à moins que ces conjugaisons s'appliquent, comme cela serait ici le cas, à un présent dans un cas, et à un futur dans l'autre.

Car les modes dont il est question, subjonctif et conditionnel, servent tous deux à décrire des actions irréelles. Les ennuis liés à la confusion possible entre le temps de ces deux modes s'en trouvent donc amoindris.

Et, puisque le présent du conditionnel ressemble plus à un futur qu'à un présent, supposons un instant qu'il soit un futur. Les modes subjonctif et conditionnel, tous deux incomplets, seraient alors parfaitement complémentaires, à une redondance près. Nous pourrions ainsi considérer qu'il s'agit d'un même mode, et compléter le tableau de conjugaison. Ce qui donnerait :

Correspondances entre l'indicatif et un subjonctif potentiel
Temps
Mode
passé parfait passé présent parfait présent futur parfait futur
indicatif passé antérieur plus-que-parfaitimparfaitpassé simplepassé composéprésent futur antérieur futur simple
j'eus conjugué j'avais conjuguéje conjuguais je conjuguaij'ai conjugué je conjugue j'aurai conjugué je conjuguerai
subjonctif conditionnel passé 2e forme / subjonctif plus-que-parfaitsubjonctif imparfait subjonctif passé subjonctif présentconditionnel passé 1re formeconditionnel présent
j'eusse conjugué je conjuguasse j'aie conjugué je conjugue j'aurais conjugué je conjuguerais

Nous pouvons constater qu'il n'y a apparemment aucun temps correspondant au passé simple parmi les modes subjonctif et conditionnel. En fait, le subjonctif imparfait est construit sur le passé simple de l'indicatif. Au subjonctif, ces deux temps se confondent. Ce qui ne constitue pas nécessairement une difficulté insurmontable ; en effet, nous arrivons tout de même à nous exprimer convenablement, bien que nous ayons un présent de l'indicatif unique. Pour finir, l'emploi d'un temps unique pour les temps imparfait et passé simple explique que nous retrouvions, de même, un temps unique pour les passé antérieur et plus-que-parfait, puisqu'alors l'auxiliaire est conjugué à ces premiers temps.

Mais laissons à présent cette supposition de côté. Car le conditionnel pourrait tout aussi bien faire l'objet d'un article, or cela dépasse le cadre du sujet. Reprenons plutôt la dernière idée.

V. Conjugaison du subjonctif futur

La conjugaison que nous avons obtenue, en effet, est parfaitement satisfaisante. Nous aurions donc la règle suivante : le subjonctif futur se conjugue en remplaçant la terminaison -sse de la première personne du singulier de l'imparfait du subjonctif par -r suivi des désinences du subjonctif e, es, e, ions, iez, ent.

Exemple :

que je conjuguare
que tu conjuguares
qu'il conjuguare
que nous conjuguarions
que vous conjuguariez
qu'ils conjuguarent

Et... aucune exception !

Le tableau précédent peut alors à nouveau être complété :

Correspondances entre l'indicatif et un subjonctif potentiel
Temps
Mode
passé parfait passé présent parfait présent futur parfait futur
indicatif passé antérieurplus-que-parfaitimparfait passé simplepassé composéprésent futur antérieur futur simple
j'eus conjugué j'avais conjuguéje conjuguaisje conjuguai j'ai conjugué je conjugue j'aurai conjuguéje conjuguerai
subjonctif plus-que-parfait imparfait passé subjonctif présentfutur antérieur futur
j'eusse conjugué je conjuguasse j'aie conjugué je conjugue j'eure conjugué je conjuguare

On pourra cependant s'apercevoir que, pour les verbes ne se terminant pas par -er, la troisième personne du pluriel du subjonctif futur est identique à la troisième personne du pluriel du passé simple de l'indicatif. Toutefois, la différence de mode et de temps de ces deux formes n'occasionne aucune confusion.

VI. Approximations

Quelques points méritant correction pourraient être signalés :

On pourrait également s'interroger au sujet de la création d'une forme archaïque.

VII. Éléments de comparaison avec des langues voisines

La conjugaison du futur du subjonctif présenté plus haut peut être comparée à celle du futur du subjonctif d'autres langues.

VIII. Conclusion

Au lecteur qui le souhaitera d'opérer une comparaison entre la forme du subjonctif futur antérieurement constituée et celles proposées. Que celui-ci, alors, prire en compte ces critères : logique, cohérence, compréhensiblilité et idiomatisme. Mais nul doute que nous firions sensation en employant l'une de ces formes.

Webographie